Dans un contexte de prise de conscience écologique et sociale généralisée, l‘établissement de normes fiables et universelles devient crucial pour une évaluation transparente et équitabledes investissements responsables.
Dans les années 1970, la finance a connu un « moment » important. L’absence frustrante d’un indicateur unifié d’évaluation de la performance a alors conduit à l’émergence et à l’adoption généralisée de mesures financières standardisées unanimement acceptées permettant une comparaison aisée entre les entreprises indépendamment de leur secteur d’activité ou de leur géographie – rendement sur investissement (ROI), bénéfice par action (EPS) ou valeur ajoutée économique (EVA). Ce fut le catalyseur d’une expansion fulgurante du marché, favorisant une allocation plus efficace des capitaux.
50 ans plus tard, un nouveau « moment » s’annonce. Dans le contexte d’une conscience accrue des impacts environnementaux et sociaux des activités des entreprises, et sous la pression des régulateurs et de l’opinion publique, les entreprises s’orientent rapidement vers l’intégration à leurs reportings d’indicateurs de performance écologique et sociétale. Cette évolution a donné naissance à de nouveaux véhicules d’investissement spécialisés et a entraîné l’établissement de normes bienvenues mais hélas souvent complexes et même parfois, divergentes.
Cette transition vers une finance plus responsable a fort logiquement fait émerger une nouvelle vague d’acteurs, dont certains à l’origine d’investissements qui n’ont de “vert” que le nom. On se souviendra de la filiale du groupe Deutsche Bank DWS, mise en défaut sur la réalité de ses critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) par les régulateurs, avec à la clé, perquisition policière, démission du PDG et plongeon du titre en Bourse.
Bien sûr, les entreprises recherchent le profit et ne sont pas des entités philanthropiques. Elles peuvent percevoir l’ESG comme un coût supplémentaire sans retour financier immédiat, dans un environnement favorisant toujours le court terme. Savoir si elles en auront pour leur argent, et si leurs clients, leurs salariés et les marchés reconnaîtront et valoriseront un choix vertueux, est une question légitime. La vie des grands groupes internationaux ne s’arrête pas non plus aux bornes de l’économie nationale, ni par leur empreinte commerciale, industrielle, ni par l’origine de leurs investisseurs aux atavismes variés et pas toujours « green ». Comment un fonds de pension de l’Iowa ou du Texas traitera-t-il l’information selon laquelle un groupe français coté est en train de consommer son résultat pour se rendre plus « soutenable » ?
Si l’on veut une finance réellement responsable qui ne se limite pas à la gestion du risque réputationnel, alors l’élaboration de normes et de mécanismes de mesure et d’évaluation universels et fiables est indispensable, allant jusqu’à la synthèse des indicateurs financiers et extra financiers pour ne plus avoir qu’une notion unique avec laquelle il sera enfin possible pour l’investisseur de comparer en toute fiabilité. Cette évolution est en cours mais elle sera longue et assortie de risques réputationnels et financiers qu’il faudra savoir gérer.
Mathieu Pontecaille, Directeur-conseil