En France, le phénomène BANANA (Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anyone) prend de l’ampleur, influençant profondément la stratégie des entreprises et collectivités locales en matière de développement d’infrastructures. Version radicalisée du NIMBY (Not In My BackYard), il signifie littéralement « ne rien construire nulle part près de personne ». Dans ce contexte, la concertation classique doit évoluer pour se transformer en co-constructioncitoyenne permettant de lever les obstacles.
On connaissait le NIMBY (Not In My BackYard), acronyme désignant l’opposition locale à l’implantation d’une infrastructure perçue comme indésirable par ses riverains. Le BANANA va plus loin : il incarne, lui, une résistance généralisée de certains groupes de pression à tout type de construction ou de développement, souvent au motif de considérations environnementales ou sociales.
L’actualité offre des exemples concrets de cette tendance. Le projet autoroutier de l’A69, par exemple, suscite encore une résistance considérable moins de la part des populations locales que de groupes écologistes, inquiets de ses répercussions environnementales. Les controverses entourant les projets de bassines en Nouvelle-Aquitaine soulignent également cette problématique, mettant en évidence les tensions entre les besoins en irrigation agricole et la préservation des ressources hydriques, au prix de confrontations violentes. Mais c’est l’abandon en 2018, après des années de protestations, du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, pourtant validé par un referendum local, qui reste l’exemple le plus significatif de la force du mouvement BANANA en France.
Ces oppositions transforment la construction de nouvelles infrastructures en un véritable bras de fer, entre entreprises, État, collectivités et militants. Elles peuvent également avoir un impact considérable sur la réputation d’une entreprise, ce qui justifie une approche plus préventive dans la gestion de projets d’infrastructure.
La clé réside dans une concertation très en amont de toutes les parties prenantes. Impliquer activement les communautés locales, les militants, les politiques et les experts dès les phases initiales de planification permet non seulement de comprendre et de purger autant que possible leurs préoccupations, mais aussi de créer un terrain de dialogue propice à l’avancement des projets.
Par ailleurs, l’adoption d’une communication précoce, transparente et continue est vitale. Informer régulièrement les parties prenantes sur les objectifs, les défis et les ajustements des projets contribue à bâtir une confiance mutuelle et à réduire les résistances. De plus, les porteurs de projets doivent intégrer des stratégies de prévention des risques dans leurs plans. Cela inclut l’identification de toutes les oppositions, la mise en place de plans de gestion de crise et la formation des équipes pour répondre aux préoccupations des parties prenantes. En anticipant les problèmes potentiels et en préparant des réponses appropriées, ils peuventatténuer les impacts négatifs sur leurs projets et leur réputation.
Pour les porteurs de projets, la vague BANANA implique de repenser leurs stratégies de développement, de mieux intégrer toutes les préoccupations et de jouer la carte de la co-construction pour une meilleure acceptabilité.
Laurent PORTA (Directeur associé) & Matthieu SENECOT (consultant)