Mercredi 19 octobre 2022, le service public diffusait pour la première fois des procès du quotidien. La captation sans filtre de la vie d’un prétoire offre une image précieuse de la réalité judiciaire, aux antipodes des affaires médiatiques.
Des tribunaux, le public connaît, au mieux, l’image des grands procès médiatiques, telles les affaires Sarkozy/Bygmalion, SNCF/Bretigny, ou encore Servier/Médiator, (sur lesquelles les équipes de Vae Solis sont d’ailleurs intervenues) ; au pire l’image des séries américaines où « Votre Honneur » juge à coup de marteau. Dans le cadre de la réforme voulue par Eric Dupont Moretti, la présence des caméras, miniatures, joue un rôle pédagogique essentiel et raconte la vie de tous les jours. Dominique Verdeilhan, présentateur de l’émission, décrypte avec nous les enjeux de ce programme.
Les premières audiences consacrées aux délits routiers, aux affaires familiales et ausurendettement constituent une rupture nette, et assumée, de l’interdiction de filmer dans les prétoires depuis 1954. Fruit de la volonté de la Chancellerie de montrer la « vérité » des tribunaux, l’émission remplit son objectif pédagogique. L’émission donne à voir, sans mise en scène et avec précision, le déroulement concret de procédures méconnues des citoyens. « La qualité des scènes filmées était totalement incertaine, nous allions tourner sans savoir ce qui allait se passer précisément. Contre toute attente, le résultat a toujours été de qualité », observe Dominique Verdeilhan.
Une vision précieuse
L’émission se compose de deux parties distinctes : 35 minutes d’extraits d’audiences avant un décryptage plateau réunissant un magistrat et un avocat mais où il n’est pas question de rejouer le procès, définitivement clos. « L’ensemble des parties présentes à l’audience doivent donner leur accord et enfin il est essentiel de garantir un rendu télé aussi neutre et objectif que possible », précise Dominique Verdeilhan.
Cette neutralité est permise à la fois par la discrétion des moyens d’enregistrement des audiences (une minuscule caméra masquée dans la salle) et par un montage qui reflète le respect du contradictoire essentiel à l’audience. Cette justice du quotidien permetadmirablement de rééquilibrer la perception par la population de la réalité des affaires judiciaires, bien loin des dossiers « médiatiques ». Mais, contrairement aux Etats-Unis oùexistent des chaines de procès en continu où l’audience est présentée “brut”, les exemples sont ici décryptés et expliqués.
Filmer le réel pour atténuer l’exceptionnel
Il est certain qu’un dossier du quotidien ne prend pas la lumière de la même manière que lesgrands procès médiatiques. Mais, dans le cadre de cette émission, la pédagogie du “debrief” génère un réel intérêt. La formule permet aussi de rétablir une heureuse égalité entre les parties, qui contraste avec l’habitude médiatique de se concentrer uniquement soit sur une peinture à charge de l’accusé/du prévenu, soit sur un portrait compatissant des victimes. On est loin des excès du récent procès opposant les stars Johnny Depp et Amber Heard, où la présence des caméras faisait de la justice un show “live”.
Les images d’audiences françaises présentées sur le service public sont à l’opposé de cette justice spectacle ; comme l’a voulu Dominique Verdeilhan.
Anthony Gibert, directeur conseil
& Christophe Reille, associé