Les entreprises sont de plus en plus souvent confrontées à des parties prenantes hostiles en amont à un projet d’immobilier ou de petite infrastructure : associations de riverains, groupes écologistes, élus frileux etc.Certaines s’inspirent désormais, pour lever l’obstacle, des méthodes instaurées par la pratique du débat public, en particulier la concertation.

Les projets immobiliers ou de construction, quels qu’ils soient, font de plus en plus face à l’opposition d’élus réticents à signer des permis de construire mais aussi d’habitants hostiles : le taux de recours explose. Or, si un recours ne coûte rien (ou presque) aux opposants, il a pour le porteur de projet un lourd coût financier, mais aussi réputationnel.

Comment parler aux opposants, notamment ceux qui passent de plus en plus rapidement de la manifestation pacifique à des opérations violentes (occupation etc.), qui sont en fait souvent très minoritaires ? Paradoxalement, en en faisant plus que ce qui requis par la loi… Afin de de cadrer ses propres projets, l’Etat a instauré dès 1995 (loi Barnier) la pratique du débat public pour les très grands projets d’aménagement, renforcée en 2002. Puis la loi de 2016 a créé la consultation locale, en vue de recueillir l’avis des citoyens les plus directement concernés par les projets plus petits mais susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement. Les développements plus modestes, de quelques immeubles, d’extension de site de production ou deraccordement routier n’entrent pas, eux, dans ces périmètres légaux. Cela n’empêche pas d’avoir recours à la consultation : certaines entreprises privées engagent très tôt, et sans obligation légale , un échange avec la population locale. La méthode est courante en Suisse, pays du consensus s’il en est.

Il convient pour l’acteur privé d’ouvrir le dialogue bien en amont avec toutes les parties prenantes et de permettre à chacun d’avoir accès à une information complète et pertinente (principe de transparence) poursusciter une participation effective via des rencontres dédiées et de recueillir les points de vue les plus argumentés des personnes concernées et de les prendre en compte en imaginant des adaptations raisonnables. Il ne s’agit pas de nier les nuisances mais de les expliquer et de les mettre en rapport avec ses éventuels bienfaitsamélioration des rentrées fiscales (voire baisse des impôts locaux), création d’emploi, réponse au besoin de logements sociaux… Souvent la majorité des habitants adhère aux arguments positifs, marginalisant les opposants radicaux.

Cette phase permet aussi déjà d’activer les relations médias et les réseaux sociaux sur le processus de concertation lui-même, ce qui contribue à rassembler la partie de la population qui est favorable à commencer par les partisans les plus influents favorables (chefs d’entreprise locaux, représentants politiques et leaders d’opinion).

De Lyon à Boulogne Billancourt de nombreux grands projets immobiliers d’envergure ont déjà bénéficié de cette méthode nouvelle de « communication amont ». Comprendre les oppositions et entendre les demandes est souvent payant : créer un espace vert ou abaisser un immeuble peut suffire à convaincre les opposants modérés, souvent majoritaires. En prime, l’organisateur y gagne une image d’acteur soucieux de sa responsabilité sociétale et du dialogue avec les parties prenantes.  

Isabelle Mas, associée