La guerre en Ukraine, la montée des taux d’intérêt, de l’inflation et de l’incertitude semblent avoir sonné en 2022 la fin de la période d’euphorie pour le private equity. Mais les phases de turbulences offrent aussi leur lot d’enseignements et d’opportunités.
Avec la hausse brutale de l’inflation et des taux d’intérêt, la fin du cycle post-2008 marqué par des taux bas (voire négatifs) propices à une frénésie d’investissements – dont le pic a été atteint en 2021 avec la création de plus de 100 « licornes » dans la tech sur le seul continent européen – semblait être arrivée en 2022. Pendant cette décennie faste, les taux bas justifiaientdes multiples de valorisation élevés sur les actions, les investisseurs cherchant à compenser les faibles rendements par des investissements alternatifs et/ou plus risqués. Dans ce contexte, les entreprises ayant des profils de cash-flows avec une échéance lointaine dans le temps (tech, biotech…) se sont retrouvées, mécaniquement, favorisées.
Cette période a particulièrement été marquée par deux expressions anglo-saxonnes « Fear of missing out » (ou FOMO) – peur de rater le coche –, et « Fake it till you make it » – fais semblant jusqu’à ce que ça marche…. La surabondance de liquidités et les faibles rendements des actifs traditionnels ont créé un effet déformant où la peur du coût d’opportunité poussaitparfois l’investissement au-delà du rationnel. Profitant d’emballements excessifs et d’une érosion de l’attention portée à la « due diligence », les parcours d’entreprises comme FTX, Theranos ou WeWork ont été les funestes symboles de la conjonction délétère de ces deuxétats d’esprit.
Avec, à titre d’exemple, 400Mds$ de valorisation des entreprises européennes de la tech partis en fumée sur l’année 2022, la « fin de l’argent facile » paraissait donc annoncée et cette èredorénavant révolue. Cette idée doit pourtant être largement nuancée.
Premièrement, tous les secteurs n’ont pas été affectés de la même manière ; les entreprises qui répondent à la crise écologique ou encore aux enjeux sociétaux tirent leur épingle du jeu. Deuxièmement, le retrait partiel des institutionnels laisse de la place à de nouveaux modes de financement et de nouveaux acteurs (plateformes de prêts, crowdfunding, family offices, micro fonds…). Troisièmement, et c’est le plus important, l’argent n’a pas complètement disparu ! La quantité de dry powder (poudre sèche, autrement dit les liquidités restant à investir) atteint d’ailleurs des niveaux records au niveau mondial. Quant au S&P 500 US ou au Nasdaq Composite, ils ont été en nette hausse au début de l’année 2023.
En conclure que rien n’a changé serait pourtant aller un peu vite en besogne et il faudrait plutôt parler d’un « reset » partiel. Avec un rapport de force redevenu favorable aux investisseurs, les prétendants aux levées de fonds ne pourront plus faire l’économie d’une communication soignée, mettant en avant des modèles économiques plus résilients et uneréelle capacité de déploiement à l’international. La question de l’incarnation, tant vis-à-vis de l’externe que vis-à-vis de l’interne, doit-elle aussi être abordée d’une manière différente en misant sur la solidité, le sérieux et l’opérationnel afin de bâtir l’indispensable relation de confiance qui permet de traverser les crises. Quand le marché n’achète plus aveuglément, il est indispensable de lui mettre sous les yeux les qualités différenciantes qu’on lui propose…
Arthur Arlaud consultant senior