Bienvenue en 2023, n monde où crises et instabilité sont devenues la nouvelle norme ! Où les dogmes économiques, politiques et sociétaux des cinquante dernières années semblent l’un après l’autre remis en question. Un monde où les parties prenantes de l’entreprise sont désormais des « écosystèmes interconnectés » en permanence, qui questionnent toutes formes de vérité…
Dans ce monde incertain (dérèglement climatique, guerres et conflits multiscalaires, pandémies, etc.), instaurer et conserver des relations de confiance devient plus difficile que jamais. Chaque action, chaque parole de l’entreprise prend le risque d’être scrutée, critiquée, contestée, relayé en un clic, voire déformée.
Qui pouvait penser, il y a quelques mois encore, qu’une présence industrielle en Russie deviendrait un crime, ou encore que faire (re)venir ses collaborateurs au bureau deviendrait une gageure ? Dans cet environnement, comment être entendu, embarquer les collaborateurs comme les clients, et plus largement, l’ensemble des publics avec lesquels l’entreprise est amenée à interagir ?
La complexité qui règne impose désormais aux entreprises de définir et de maîtriser leur communication à la hauteur de ce qu’elle est : un axe stratégique majeur. Pensez à la gestion des crises Balenciaga (le #CancelBalenciaga a atteint plus de 25 millions de vues suite à sa campagne de publicité mettant en scène des enfants), à la crise sanitaire des pizzas Buitoni contaminées par la bactérie E. coli qui a vu le PDG de Nestlé France attendre quatre mois pour prendre la parole, ou encore Ferrero accusé d’une gestion de trop tardive de la crise de la salmonelle dans ses Kinders … Une communication mal ou tardivement engagée peut aujourd’hui engendrer des conséquences réputationnelles et commerciales dramatiques.
Penser sa communication dans un monde impermanent, c’est d’abord comprendre son environnement et les interactions entre ses publics, multiples et – c’est la grande nouveauté de ce début de siècle – profondément interconnectés : clients, collaborateurs, influenceurs, activistes, actionnaires … tous se parlent, se challengent, et de plus en plus se méfient de l’entreprise, jusqu’à même en question la légitimité de son existence même.
Communiquer en 2023 c’est donc s’attacher à démontrer la singularité de l’entreprise, son authenticité, ce qui la rend unique, ce que l’on appelle aujourd’hui sa raison d’être. C’est se soucier des enjeux de nos sociétés et montrer comment on entend y apporter concrètement une forme de contribution. Car toute communication se doit de faire la démonstration de l’action de l’entreprise pour faire avancer le monde dans la bonne direction. C’est aussi et surtout entrer en résonnance et créer de la proximité avec ses publics en identifiant ce qui fait écho à leur intérêt personnel afin d’être entendu et reconnu dans un espace public cacophonique.
S’il demeure la référence absolue, le triptyque rhétorique d’Aristote, ethos, logos, pathos, penche désormais plus vers ce dernier. Car, dans un monde sans repères stables, c’est la référence aux valeurs qui permet au public de s’identifier aux arguments de l’orateur. Qu’on le déplore ou qu’en s’en félicite, désormais, c’est, plus que par le raisonnement logique, en faisant appel aux émotions, à la sympathie et à l’imaginaire de ses publics que l’entreprise pourra les embarquer à ses côtés et tenter d’en faire des alliés.
Pour autant, créer du lien avec son écosystème ne doit à aucun moment mener à un manque de sincérité ou un défaut de modération. Car, dans une société surexposée aux hordes enragées sur les réseaux sociaux, l’un et l’autre font le lit de la crise.
Nul ne doit oublier que, comme le dit Simone Weil, que « la vertu d’humilité n’est pas autre chose que le pouvoir d’attention ».
Jean-Baptiste Arricat, consultant & Charlotte Bourgeois-Cleary, associée