En plein essor depuis plusieurs années, les procédures d’enquêtes internes et de justice négociée placent les entreprises dans des situations délicates où leur réputation est parfois menacée. Explications avec Charles-Henri Boeringer et Alice Dunoyer de Segonzac, avocats pénalistes chez Clifford Chance.
Enquêtes internes : toujours se préparer à communiquer
Les enquêtes internes sont encadrées par des règles de droit souple pouvant varier en fonction du cadre dans lequel elles s’inscrivent (i.e. à la suite d’un signalement interne, dans le cadre d’une enquête pénale conjointe, etc.) mais, dans tous les cas, « la confidentialité des investigations doit toujours prévaloir », souligne Charles-Henri Boeringer. Alors que faire en cas de fuite ? « Ce principe de confidentialité ne doit pas empêcher les entreprises de se préparer à communiquer doublement, en interne et en externe, explique Alice Dunoyer de Segonzac, car le risque de fuite est réel et il faut toujours y être prêt ». L’entreprise enquêtrice doit donc anticiper sa communication qui devra généralement rester « en réactif » et, bien sûr, respecter les principes fondamentaux – présomption d’innocence et contradictoire. Au-delà du droit se pose la question de l’opportunité de communiquer ou non certains éléments. « Il n’y a pas de règle qui interdise de dire qu’une enquête interne est en cours, rappelle Charles-Henri Boeringer, mais l’entreprise doit se poser la question de savoir s’il est stratégiquement opportun de divulguer cette information auprès des autorités ». En définitive, toute communication sur une enquête interne en cours devra être mûrement réfléchie par l’entreprise, en fonction du droit et de sa stratégie globale.
Justice négociée : une communication positive est possible
Dans le cadre de la négociation d’une convention judiciaire d’intérêt public (« CJIP »), la question se pose différemment puisque l’information a dans tous les cas vocation à « sortir » : « l’homologation d’une CJIP faisant l’objet d’une audience publique, explique Alice Dunoyer de Segonzac, l’entreprise doit impérativement préparer une stratégie de communication efficace, surtout lorsqu’elle est cotée et soumise à des obligations d’information ». Or, comme le rappelle Charles-Henri Boeringer, « l’homologation d’une CJIP peut être présentée comme un résultat positif par l’entreprise : c’est le signe que l’entreprise a regardé le problème en face, l’a traité et qu’il appartient au passé». La preuve ? « En ce qui concerne les sociétés cotées, l’expérience nous montre que l’homologation d’une CJIP n’a pas d’impact significatif sur le cours, ajoute l’avocat, cette information semble être perçue comme un problème réglé qui met donc fin à une incertitude». Comment parvenir à ce résultat ? Tout en assumant certaines erreurs du passé, l’entreprise pourra communiquer « positivement » sur cette procédure en insistant sur sa coopération sincère avec la justice, l’efficacité du traitement du problème ainsi que sur le renforcement de son programme de conformité. Enfin, la communication de l’entreprise devra être déclinée et élaborée sur-mesure pour chacune de ses parties prenantes : grand public, partenaires stratégiques (distributeurs, fournisseurs, etc.), marché (pour les sociétés cotées), mais aussi l’interne, vis-à-vis duquel l’effort de pédagogie sera déterminant pour, ensuite, tourner la page.
Sara-Louise Boukara, David Buzonie et Guillaume Gallix