Fin 2022, l’organisation de la Coupe du Monde de football a permis au Qatar de démontrer qu’il était désormais un acteur avec lequel il fallait compter d’un point de vue culturel, politique mais également économique. Les entreprises françaises l’ont bien compris en s’y implantant fortement ces dernières années, notamment le CAC 40. L’occasion de revenir sur l’écosystème des médias et de la communication dans l’émirat.
Comprendre l’écosystème local
Avec plus de 200 implantations et de franchises, les entreprises françaises accélèrent leur développement au Qatar. Si les acteurs de l’énergie et de la défense, dont Total et Dassault Aviation, y sont implantés de longue date, les leaders français du BTP et des transports se sont eux aussi illustrés sur des projets d’ampleur ces dernières années. Vinci a été le fer de lance de la construction de la première ligne de métro de Doha et Keolis en assure aujourd’hui l’exploitation alors qu’Egis a assaini les lagunes d’Al Karaana, une des rares zones de réserve d’eau du Qatar. Les acteurs de la distribution ne sont pas en reste, avec Carrefour, employeur de premier plan, et plusieurs magasins Fnac.
Pour valoriser efficacement le succès de leurs projets, les entreprises bénéficient d’un paysage médiatique local dynamique, spécificité du pays qui contraste avec le reste de la péninsule arabique. Le Qatar a en effet joué un rôle régional majeur dans la libéralisation de l’information du monde arabe avec la création d’Al Jazeera en 1996 et compte aujourd’hui plusieurs médias locaux dont sept quotidiens en circulation, trois en arabe (Al Raya, Al Sharqet Al Watan), trois en anglais (Gulf Times, The Peninsula et the Qatar Tribune). Preuve de la place privilégiée de la France dans la société qatarie, il existe même une radio francophone – Oryx FM.
Tenir compte de l’évolution de la société qatarie
Malgré la diversité des médias existants, il faut garder à l’esprit qu’ils demeurent liés au pouvoir politique. Il est particulièrement important d’être patient et de bâtir une relation de long-terme et de confiance avec les journalistes. « Le pays fonctionne comme une start-up familiale, dans laquelle les décisions restent centralisées au Palais de l’Émir » explique Benjamin Barthe, correspondant du Monde au Moyen-Orient, d’où l’importance d’être bien identifié et, avant d’enclencher des actions de communication, de prendre le temps de rencontrer les décideurs économiques traditionnels. « Une entreprise qui s’implante au Qatar n’aura de véritable visibilité médiatique que si elle prend le temps de rencontrer les acteurs politico-économiques en amont », ajoute Benjamin Barthe. La coopération locale préalable est donc indispensable.
Pourtant, avec un âge médian de 33 ans et une jeunesse diplômée et friande de nouvelles technologies et de réseaux sociaux (90% de la population a un compte Facebook), la société qatarie, loin d’être figée, est très informée. À travers son plan Vision Qatar 2030, le pays diversifie par ailleurs son économie et s’engage dans de nouveaux domaines dont le développement d’infrastructures durables, l’éducation, la santé et de la recherche. La communication des entreprises doit donc prendre en compte la double réalité d’une société qatarie en évolution : l’importance du poids des médias et des acteurs traditionnels dans une société encore en voie de libéralisation, et l’émergence d’une jeunesse ultra-connectée à qui il faut s’adresser différemment.
Alissa Joly, consultante & Jawad Khatib, directeur conseil